Paris Fashion Week : Dior donne du pouvoir aux femmes en détournant talons et corsets

Le défilé printemps-été 2023 était accompagné d’un spectacle de danse par le duo néerlandais Imre et Marne van Opstal, soeur et frère qui explorent dans leur chorégraphie les limites du corps et de l’esprit.

Talons et corsets, ces pièces contraignantes dont les femmes ont mis des siècles à se libérer, reviennent en force pour leur donner du pouvoir dans la collection printemps-été 2023 de Dior inspirée par Catherine de Médicis, présentée le 27 septembre à Paris dans une ambiance baroque.

“L’idée qui m’amusait, c’est qu’il y a des éléments dans les vêtements qui servent à construire un imaginaire régalien”, raconte à l’AFP l’Italienne Maria Grazia Chiuri, directrice artistique des collections féminines de Dior. Féministe, elle détourne ces éléments qu’on n’aurait jamais associés à son univers créatif pour ce “power dressing ironique”, moderne et fonctionnel malgré les références historiques. “Je ne l’ai pas fait dans le passé et je suis satisfaite parce que la référence vient de Catherine de Médicis”, explique-t-elle.

Au premier rang, la papesse de la mode Anna Wintour comme la jeune influenceuse Lena Situations, les actrices Isabelle Adjani, Rosamund Pike, Olivia Palermo, Marisa Berenson ou la top Elle Macpherson ont observé ce défilé déroutant accompagné d’un spectacle de danse au pavillon au Jardin des Tuileries.

Détourner le corset

De petite taille, Catherine de Médicis, cette Italienne arrivée à la cour de France en 1533, a été la première à utiliser les compensés pour être plus grande et a structuré sa silhouette pour s’imposer.

Chez Maria Grazia Chiuri, le corset qui a une forme quasi géométrique n’est pas intégré et devient “un objet avec lequel on joue pour se faire plaisir” : on peut le porter sur un T-shirt ou une chemise et on n’a pas besoin d’aide pour l’enfiler.

Les robes qui évoquent des paniers, s’adaptent au corps avec des bandes réglables qui leur apportent une dimension “fonctionnelle” indissociable du “power dressing”, ce courant vestimentaire féminin destiné à faire preuve d’autorité, apparu dans les années 1970 et ayant connu son apogée dans les années 1980.

La guêpière tantôt cachée, tantôt manifeste esquisse une silhouette sensuelle, rappelant les larges jupes portées à la cour de Catherine de Médicis.

“La situation est tragique, il faut trouver des motivations pour travailler”

La collection abonde en broderie et dentelles, chères à cette aristocrate qui les avaient imposées aux manufactures royales françaises. Invitant aux déambulations urbaines, l’un des imprimés-phare de la collection vient d’un foulard de l’époque de Christian Dior qui représente un fragment du plan de Paris autour de l’avenue Montaigne où la maison s’est développée.

Le défilé est accompagné d’un spectacle de danse par le duo néerlandais Imre et Marne van Opstal, soeur et frère qui explorent dans leur chorégraphie les limites du corps et de l’esprit.

La mise en scène pour présenter la collection de prêt-à-porter printemps-été 2023 se veut aussi une “fête baroque” comme on les organisait dans les grandes villes pendant les périodes de transition, somptueuses et théâtrales mais traversées par une inquiétude diffuse. “Dans ce moment historique lourd, la mode est le seul territoire où on peut encore jouer, c’est ce que j’ai voulu faire en ce moment. La situation est tragique, il faut trouver des motivations pour travailler”, souligne Maria Grazia Chiuri.

Un pavillon transformé en grotte dans le Jardin des Tuileries

Le défilé se déroule dans un pavillon transformé en grotte dans le Jardin des Tuileries où Catherine de Médicis organisait des fêtes. “A l’époque les jardins baroques, c’était les espaces qui étaient hors de contrôle par rapport au palais qui, au contraire, était rigide et codifié”, déclare à l’AFP l’artiste française Eva Jospin qui a sculpté cette grotte en strates de carton, son matériau de prédilection, “un déchet qu’on magnifie”.

“Il y a une grande liberté dans cette façon d’envisager la création, l’idée de créer son propre monde. Quand on traverse des temps difficiles, créer son propre monde est une ressource énorme dans lequel nous pouvons tous puiser”, conclut-elle.