Cette rentrée scolaire ne déroge pas à la règle : toutes les classes n’auront pas un enseignant. Les contractuels, pourtant essentiels pour pallier les manques dans certaines académies, continuent d’exercer dans des conditions précaires. Témoignages.
Avec 3 185 postes vacants à la rentrée 2024 dans les écoles primaires, collèges, et lycées publics et privés sous contrat, selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale, la pénurie d’enseignants se fait encore sentir. Les concours enseignants, en perte d’attractivité depuis plusieurs années en raison des conditions de travail dégradées, peinent à se remplir. Face à cette situation, les académies se tournent de plus en plus vers les contractuels, aussi appelés suppléants ou maîtres délégués dans le privé, en contrat à durée déterminée (CDD) ou indéterminée (CDI). Si leur part est particulièrement élevée dans l’enseignement privé sous contrat (19% en 2023-2024, contre moins de 7% dans le public), ces enseignants, bien que toujours plus sollicités, ressentent une impression d’être des « pions faciles à déplacer ».
Le recours croissant aux contractuels
La crise de recrutement a forcé le système éducatif à revoir ses priorités. Le recours aux enseignants contractuels est devenu une solution d’urgence pour combler les vides dans les académies les plus en difficulté. Dans certaines régions, notamment en Île-de-France, dans l’académie de Versailles ou encore dans le département des Bouches-du-Rhône, les contractuels représentent près de 20% des effectifs enseignants. La difficulté de recruter des titulaires, en particulier dans des matières scientifiques ou techniques comme les mathématiques et la technologie, renforce la dépendance aux contractuels.
Conditions de travail précaires et manque de formation
Malgré leur importance croissante, les contractuels dénoncent souvent des conditions de travail précaires. En raison de l’urgence dans laquelle ils sont recrutés, nombre d’entre eux sont envoyés sur le terrain avec peu ou pas de formation pédagogique. Ils doivent souvent gérer des situations complexes sans le soutien adéquat, notamment dans les zones sensibles. Le manque de stabilité financière et professionnelle, couplé à des contrats parfois renouvelés d’année en année, contribue à un climat d’incertitude permanent.
Selon des syndicats d’enseignants, les contractuels souffrent également de disparités importantes dans leurs rémunérations. Les écarts de salaires peuvent varier en fonction de l’académie, du niveau d’enseignement, et même de la discipline enseignée. Certains contractuels sont également soumis à des conditions de travail fluctuantes, avec des affectations modifiées en cours d’année, ou des périodes d’inactivité entre deux contrats.
Un impact direct sur les élèves
La pénurie d’enseignants et le recours accru aux contractuels ont un impact direct sur la qualité de l’enseignement reçu par les élèves. Dans certaines classes, l’absence de professeurs pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, est de plus en plus fréquente. Les contractuels, bien que souvent dévoués, manquent parfois de l’expérience et des ressources nécessaires pour assurer une continuité pédagogique de qualité. Cette situation risque d’accentuer les inégalités entre les élèves, en particulier dans les établissements situés dans les zones d’éducation prioritaires.
Vers une réforme du statut des contractuels ?
Face à cette crise structurelle, le ministère de l’Éducation nationale a initié des réformes visant à rendre la profession d’enseignant plus attractive. En 2023, une revalorisation salariale a été accordée aux enseignants titulaires, mais peu d’initiatives similaires ont concerné les contractuels. Des syndicats appellent aujourd’hui à une refonte complète du statut des contractuels, avec une meilleure protection sociale, des salaires plus alignés sur ceux des titulaires, et des perspectives de carrière mieux définies.
Dans ce contexte, l’avenir de l’éducation semble passer par une révision du système de recrutement et des conditions de travail des enseignants contractuels. Le manque d’enseignants titulaires et l’augmentation continue du recours aux contractuels soulignent l’urgence d’une réponse structurelle à long terme pour assurer un enseignement de qualité pour tous les élèves.