La Fondation Louis Vuitton a-t-elle le droit à une “vie privée” protégée par la loi ?

Le Conseil d’État doit se pencher, ce vendredi, sur le “secret de la vie privée des entreprises”. Un ancien préfet d’Île-de-France a refusé de donner accès aux comptes de la Fondation Louis Vuitton à l’association Anticor, au nom de cette notion juridique.

C’est un drôle de bras de fer que va devoir arbitrer, vendredi 23 septembre, le Conseil d’État. La plus haute juridiction administrative a été saisie par l’association anticorruption Anticor suite au refus de l’État de lui accorder l’accès au compte de la puissante Fondation Louis Vuitton, qui porte le musée du même nom. Au cœur des débats, l’étrange notion juridique du “secret de la vie privée des entreprises”.

Début 2019, l’association Anticor, interpellée par le coût de construction de la Fondation Louis Vuitton (790 millions d’euros), demande au préfet de la région Île-de-France de l’époque, Michel Cadot, la communication des comptes de la fondation LVMH. Mais le préfet, autrement dit le représentant de l’État, refuse en s’appuyant sur un avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Ces documents administratifs en sa possession, explique alors le préfet, ne sont pas accessibles au nom du “secret de la vie privée de la Fondation Louis Vuitton”.

Secret de la vie privée ou secret des affaires ?

En l’apprenant, Élise Van Beneden, la présidente d’Anticor, tombe de sa chaise. “J’ai été très surprise”, se souvient celle qui est avocate de profession. “Ce n’est pas du tout naturel de considérer qu’une entreprise ou une personne morale en générale a une vie privée, c’est une notion qui est inhérente à la personne humaine.” Elle n’avait jamais entendu parler de ce concept juridique. “C’est très dérangeant, parce que la fondation quand elle reçoit des fonds des sociétés du groupe LVMH, elle leur donne une réduction fiscale, explique Elise Van Beneden. C’est-à-dire que ces sociétés-là, elles bénéficient jusqu’à un demi-milliard d’euros de réduction fiscale.”

“Ce que la fondation fait de son argent importe pour les contribuables puisque indirectement c’est de l’argent public qui est utilisé.”

Élise Van Beneden, présidente d’Anticor

à franceinfo

La décision du Conseil d’État, qui sera connue dans un mois, sera scrutée par nombre d’autres fondations d’entreprises qui, elles-aussi, estiment avoir droit à la protection de leur vie privée. Autrement dit à la protection du secret de leurs affaires.